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LE VOYAGE DE GYLFE.

château, où tu ne rentreras jamais si cela dépend de moi, et où tu ne serais jamais venu si j’avais su combien tu es fort et puissant. Tu as manqué de nous plonger dans un grand malheur. Toutes tes aventures de ces jours passés n’ont été que des visions produites par mon art. Le géant que tu as rencontré dans la forêt, c’était moi ; lorsque tu voulus dénouer la corde du bissac, c’était un cercle de fer auquel j’avais donné cette forme ; c’est pourquoi tu n’as pu l’ouvrir. Tu m’as frappé ensuite de trois coups de marteau ; le premier fut le plus faible ; cependant il m’aurait tué si j’avais été atteint. Tu as vu près de mon château un rocher dans lequel il y a trois trous carrés, dont l’un est extrêmement profond : ce sont les marques de ton marteau. Je rendis ce rocher invisible, et le plaçai entre moi et tes coups ; il en a été de même pour les épreuves que vous avez subies toi et tes compagnons. Voici comment la chose s’est passée pour Loke : Ayant très-faim, il mangea avec vivacité ; mais son adversaire était le feu, qui dévora l’auge et la viande. Huge, avec lequel Thjalfe a lutté, était ma pensée ; il était donc impossible de la vaincre à la course. Quand il te sembla que la coupe ne se vidait point, tu venais d’opérer un prodige dont je ne m’attendais pas à être témoin ; le fond de la coupe était dans la mer, ce dont tu ne t’aperçus pas. Quand tu t’approcheras de l’Océan, tu verras combien il a diminué ; tu as produit ainsi la marée. Je ne fus pas moins étonné quand tu soulevas