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LE VOYAGE DE GYLFE.

dit que le paysan ou quelques-uns des siens avaient manqué de soins à l’égard des os de ces boucs, puis­ que l’un d’eux avait la cuisse cassée. Je n’ai pas besoin de dire, car tout le monde le devinera, combien le paysan fut effrayé lorsqu’il vit les sourcils de Thor se froncer ; il se consola un peu en pensant qu’il serait la seule victime de sa colère. Thor serra les mains si for­tement autour du manche de son marteau, que les nœuds de ses doigts en blanchirent. Le paysan et tous les gens de sa maison se comportèrent comme on pou­vait s’y attendre ; ils crièrent tous horriblement en demandant grâce, et offrirent en indemnité tout ce qu’ils possédaient. Mais lorsque Thor vit leur effroi, sa colère disparut ; il se contenta de prendre, comme un gage de réconciliation, Thjalfe et Rœska, qui devin­rent ses serviteurs ; ils l’ont suivi partout depuis lors.

45. Thor laissa ses boucs en cet endroit, et com­mença son expédition contre Jœtenhem, à l’orient vers la mer. Après avoir traversé cette dernière à la nage, il prit terre avec Loke, Thjalfe et Rœska. Quand ils eurent marché un peu de temps, ils atteignirent une grande forêt, où ils errèrent toute la journée jusqu’à ce qu’il fît nuit. Thjalfe était un excellent marcheur et portait le sac aux vivres ; mais on ne pouvait trouver de gîte. Lorsque l’obscurité fut complète, ils finirent par découvrir une maison très-spacieuse ; à l’une de ses extrémités était une entrée aussi large que la mai­son. Les voyageurs s’y établirent pour la nuit. Mais à