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LE VOYAGE DE GYLFE.

une seconde, une fois plus forte que la première, et la nommèrent Drome ; ils la portèrent à Fenris pour l’essayer, et lui dirent qu’il deviendrait très-célèbre si cette chaîne ne pouvait lui résister. Fenris vit bien qu’elle était plus solide que la première, mais ses forces avaient également augmenté depuis l’épreuve de Læding. Il pensa aussi qu’on n’acquérait point de gloire sans courir des dangers, et se laissa enchaîner. Lorsque les Ases eurent fini, Fenris s’agita, frappa des pieds, et battit la chaîne contre terre, en sorte que les débris en furent lancés au loin. Après ce nouvel échec, les Ases commencèrent à craindre qu’il serait impossible d’enchaîner Fenris. Odin envoya alors un jeune homme appelé Skirner, et qui était messager de Frey, vers les nains de Svartalfhem ; il y fit fabriquer une chaîne appelée Gleipner. Elle se composait de six substances différentes : du bruit des pas de chat, de barbe de femme, de racines de montagnes, de tendons d’ours, d’esprit de poisson et de salive d’oiseau. Quoique ces matières te soient inconnues, tu dois croire à leur existence comme au reste, tout en sachant que les femmes n’ont pas de barbe, que les pas de chat ne font point de bruit, que les montagnes n’ont point de racines. — Ganglere dit : Je comprends fort bien le sens des figures dont tu te sers. Mais explique-moi le travail de cette chaîne ? — Har répondit : Je puis te satisfaire. Gleipner était unie, souple comme un lacet de soie, et néanmoins forte et solide.