Page:Les Drames intimes.pdf/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais l’homme meurt, et sur sa tombe on écrit une date et un nom.

Comme des nuages, voilà que les amers souvenirs s’appesantissent sur mon esprit. Dieu soit loué ! le temps qu’ils retracent est passé.

Je me souviens de la mort de mon père. Je n’étais encore qu’un enfant ; mais je me rappelle ces paroles qu’il adressait à ma mère en larmes : « Est-ce qu’ils ne te pardonneront pas, à toi et à notre fils, quand je ne serai plus ? Est-ce qu’ils refuseront encore de vous venir en aide, parce que tu as offensé l’orgueil de ta riche famille en épousant un pauvre homme ? Ton oncle est bon, pourtant. »

Mais ce bon oncle, dans son inflexible orgueil, ne daigna pas s’occuper de ma mère. Je me souviens de l’heure où l’on porta mon père dans sa fosse, et de l’émotion que j’éprouvais en entendant tomber la terre sur son cercueil. Je ne pensais pas alors qu’on pouvait en venir à penser que mieux vaut être enseveli dans les entrailles de la terre que de végéter à sa surface. Là est le repos du juste. Là est la consolation de celui qui souffre.

Bientôt ma mère mourut aussi et je restai seul.

Pourquoi donc ces funèbres images reviennent-elles s’emparer de mon cœur si léger tout à l’heure, si joyeux ! Pourquoi déroulent-elles sur mon bonheur leur voile de deuil ?… Si, cependant, je n’avais point subi ces catastrophes, je ne t’aurais pas connue, Pauline. Les desseins de la Providence sont incompréhensibles.

Ai-je besoin d’expliquer la cause des profonds chagrins qui minèrent la vie de mes parents ? Mon père était un pauvre