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d’un saisissement si profond, que le jugement est comme paralysé, que le cœur s’abîme dans un froid désespoir. Alors, les yeux n’ont plus de larmes, les lèvres n’ont plus de voix. Olga ne pleurait pas, ne pouvait pas pleurer, et m proférait pas un mot. À toutes les questions, à toutes tes prières de sa tante, elle ne répondait que par un signe de tête négatif, puis retombait dans sa morne immobi­lité.

Enfin, quand la lumière du jour dissipa les ombres de la nuit, elle se releva de son apathie, et il semblait que le soleil lui rendît la parole comme à la statue de Memnon. — Où est mon frère ? s’écria-t-elle. On lui répondit qu’il était sorti, et elle resta muette, les yeux tournés vers la fenêtre. Sur sa figure, cependant, se manifestait tour à tour l’expression de ses divers sentiments, tantôt l’expres­sion d’une vive attente, tantôt celle d’un doux espoir, et plus souvent celle d’un sombre découragement, car sa rai­son lui disait que rien ne pouvait détourner Valérien des résolutions qu’il avait prises. Elle comprenait, en outre, que la solution de ce duel dépendait de l’agresseur, c’est-à-dire de Gremin. — Eh quoi ! se disait-elle, lui que je croyais si excellent, lui que j’aimais, en qui j’avais con­fiance comme en un frère, il aspire à présent à verser le sang de mon frère ! Hélas ! que les hommes sont cruels ! Cependant le temps s’écoulait Onze heures sonnèrent. L’âme d’Olga resta, avec ses yeux fixés sur l’aiguille de la pendule, comme si cette aiguille eût été le doigt du destin.

— Encore un quart d’heure, se disait elle… encore,