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a de l’âme, du cœur, de l’esprit, on doit oublier ses facultés, on doit désirer comme un bonheur insigne que cette âme soit absorbée par l’égoïsme, que ce cœur devienne insensible, que cet esprit ne soit plus occupé que de la pratique des convenances. Dans le monde, où au premier abord apparaît une si grande égalité de joie et de fortune, il existe une quantité de diverses gradations, et nulle part on ne peut se trouver si haut et si bas. Qui sait ce qu’il en coûte à plusieurs de ceux qui le fréquentent pour se rendre avec un noble équipage à la porte d’une maison splendide ? Qui sait comme il expie sa vanité, celui qui, après s’être pavané avec son élégante toilette dans un salon, est harcelé la nuit par le chiffre de ses dettes ; celui qui, au sortir d’un bal, peut être conduit en prison ; celui qui, après un magnifique souper, voit devant soi se dresser le fantôme affamé du lendemain ? Oh ! la misère ! l’affreuse misère ! mais nulle part si affreuse que dans les mensonges éclatants du grand monde ! Hélas ! dans un même quadrille, quel abîme parfois entre deux hommes qui dansent avec la même animation et le même sourire sur les lèvre ! Quel sentiment de honte se cache sous un frac à la mode !

Mais j’étais emporté, aveuglé, et je sacrifiais tout à l’idole du monde, mon repos, mes devoirs, mon avenir. Je fis des dettes, que mes faibles ressources ne me permettaient pas d’acquitter, et je reçus une lettre de mon oncle, qui, ayant appris mes égarements, menaçait de m’enlever jusqu’à mes derniers moyens d’existence. Il ne me restait plus qu’un refuge… l’onde de la Neva.