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Nous descendîmes dans la cave dont le duc referma la porte derrière nous. En effet, l’argent était là, dans un sac, à l’endroit indiqué. Les deux oncles ne tardèrent pas à le découvrir. Après avoir fait ruisseler les écus entre leurs doigts, ils se mirent à les compter. Les yeux du duc brillaient ; mais bientôt son visage cessa de rayonner.

— Il manque 415 dollars, dit-il.

— Peu nous importe, répliqua le roi. Je sais déjà ce que vaut notre part, et elle est assez belle pour nous permettre de sacrifier 415 dollars.

— Vous oubliez une chose, riposta le duc. Le compte n’y est pas et cela paraîtra louche. Mauvais début.

— Eh bien, comblons le déficit.

— Vous avez une bonne tête, mon vieux caméléopard, et votre idée m’en suggère une autre qui vaut encore mieux. Nous allons compléter la somme et donner le tout à nos chères nièces.

— Laissez-moi vous embrasser, Bridgewater, s’écria le roi. Si l’on se méfie de nous après cette preuve de désintéressement !…

Ils tirèrent tous deux de l’argent de leurs poches et complétèrent la somme.

— Nous voilà presque à sec, dit le duc ; mais c’est de l’argent bien placé.

— Oui, certes, répliqua le roi, d’autant plus que nous trouverons peut-être l’occasion de le reprendre avant de quitter le pays.

Lorsque nous remontâmes, les curieux se pressèrent autour de la table sur laquelle le roi versa les 6 000 dollars, dont il forma vingt jolis petits tas qu’il remit l’un après l’autre dans le sac.

— Mes amis, dit-il alors, mon frère s’est montré généreux envers les seuls parents qu’il laisse dans cette vallée de larmes. Oui, et il se serait montré plus généreux envers ces trois orphelines, n’était une promesse qui date de loin. Eh bien — c’est entendu entre William et moi — nous le remplacerons. En attendant, nous cédons à ces pauvres petites notre part des 6 000 dollars. Marie-Jeanne, Susanne, Joana,