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Maria. — Oh ! ne te gêne pas pour moi ! Je suis tout à fait de ton avis.

Alina. — Alors ?

Maria. — Mais je crois que tu t’exagères la gravité…

Alina. — Vraiment ? Ce n’est pas grave ? Vous allez être réduits à la mendicité, tout bonnement !

Piotr. — À la mendicité ! Avec leur fortune !

Alina. — Parfaitement, à la mendicité ! Mais, naturellement, tu le soutiens. Les hommes se soutiennent toujours.

Piotr. — Mais, ma bonne amie, moi, je ne sais pas… je dis…

Alina. — Oui… Tu ne sais jamais ce que tu dis ! Et dire que j’ai épousé un tel homme !

Piotr. — J’en remercie le ciel, tous les jours !

Alina. — Enfin, a-t-on idée d’une telle démence ? Un homme marié, un père de famille qui distribue tout son bien, qui fait le généreux à droite et à gauche ! Comment voulez-vous que ça finisse ? La mendicité, je vous dis ! La mendicité !

Piotr. — Expliquez-moi donc, Maria, ce qui le pousse à agir comme il fait. Je comprends bien des choses, sans d’ailleurs les admettre. Le libéralisme, par exemple, la constitution, l’instruction des classes populaires, les cours du soir… Tout cela est fâcheux, mais enfin, je comprends… Je ne suis pas un esprit borné. Tenez ! les socialistes, les grèves, la journée de huit heures, ça me répugne, mais enfin, c’est clair ! Vous voyez que j’ai réfléchi. Mais les idées de Nicolas Ivanovitch, ça me dépasse. Expliquez-moi.

Maria. — Il vous a lui-même longuement expliqué cela hier.

Piotr. — Oui… oui… Mais je dois avouer que je n’ai rien compris. J’avais l’air… je hochais la tête… Mais je n’ai rien compris…

Alina. — Cependant, tu es très intelligent.

Piotr. — N’est-ce pas ? Que voulez-vous ? On s’y