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dans la joie de la marche, Rime et Rythme apparaissent des organes de la plus haute nécessité : poursuivi par l’échec d’une prose figée et morte, l’écrivain redressé pour un plus bel effort ne se sent plus jouer mais agir, peiner et créer : par la rame et la voile, sous les signes célestes, il se figure aider à la consommation de tous ses destins.

Emporter dans sa tête un certain nombre de ces ébauches, d’abord informes, aspiration confuse à un conglomérat de sonorités et de rêves tendus vers un beau sens plutôt pressenti que pensé ; puis, quand les mots élus abondent, en éprouver la densité et la vitesse au ballet des syllabes que presse la pointe du chant ; en essayer, autant que le nombre matériel, le rayon lumineux et l’influx magnétique ; voir ainsi, peu à peu, s’ouvrir et se former la gerbe idéale des voix ; élargir de degrés en degrés l’ombelle odorante ; imposer la hiérarchie des idées qui sont des principes de vie ; lever en cheminant les yeux vers le ciel nu, ou garni de pâles étoiles, pour y goûter le sentiment de la légèreté du monde et de la puissance du cœur ; marcher cependant, avancer, gagner d’un pas à l’autre le but, l’abri, le lit profond, le sommeil secourable et sûr, terme du demi-songe ambulant qui répare et réconcilie : est-il un bienfait comparable ; l’artisan qui s’est cru vaincu peut-il ambitionner un plus doux renouveau de courage et de foi ?

Dans ce refuge de poésie entr’ouvert de la sorte en « fin de journal » aucun mal ne peut pénétrer. Mais ses délices assurées échappent aux recherches, à la volonté, au système, presque au désir ; il en est d’elles comme de ces rosées suprêmes que le sort épanche ou refuse de la même manière que la fortune et le bonheur. C’est le défaut de ce remède sans pareil, c’en est aussi la force : il n’accourt pas à tout appel. Mais tout appel venu de lui revêt un caractère d’obligation : le rythme naissant du poème porte un impératif qui ressemble au besoin, au devoir,