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de mettre sur pied deux bons vers, il me dit les trois mots inouïs : « C’est très bien. » J’avouai une autre odelette d’après le même original : Ce taureau-ci, mon enfant…, inscription pour un marbre d’Europe, dont je ne retrouve dans ma mémoire que ce premier vers, orné des compliments généreux que le poète réitéra. Comme son amitié d’esprit comportait autant de conscience que de politesse ; il se fit un devoir, après réflexion, d’ajouter que j’avais « beaucoup mieux à faire » : ce qui devait s’entendre de solide critique ou de politique sensée. Je n’interprétai pas autrement ce propos de l’homme divin. Mais, plus que son conseil, sa noble poésie inculquait la sagesse du désespoir. À quoi bon rimer et rythmer ? Il y avait les Stances, il y avait les Sylves, il y avait la délicieuse Eriphyle.


IV

« Le vrai seul. »

Qu’est-ce que la sagesse ? Celle-ci opéra et n’opéra point. En m’obligeant à modérer un vieux goût de petits fredons inutiles, elle imposait quelque silence à la rage des bouts rimés, mais elle ne prévoyait pas combien ce silence rendrait sensibles et distinctes d’autres modulations venues de l’air intérieur où baignait ma pensée profonde. Ainsi fut découvert un nouveau monde de poèmes qui ne ressemblaient guère à ce qui m’avait poursuivi et même étourdi un peu trop longtemps.

M’excusera-t-on d’oser faire le récit minutieux d’une évolution si chétive. Elle est d’un temps où c’est à peine si je m’en rendais compte. J’arrivais à ce point central de ma vie où la littérature fut obligée de se moquer de la littérature en s’appliquant