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où, la plume trempée dans le plus indélébile des fiels, j’eus élaboré les premiers vers du petit poème de mon dépit, commençant par cette déclaration de principe :

L’étudiant Martin (Polycarpe), serviette
Sous le bras…

Mon professeur reçut le coup sans sourciller. Mais cet usage valeureux des Droits de la Rythmique pittoresque obtint un vif succès auprès de mes camarades, et c’est ce qui finit par nous enlever tout bon sens. Nous nous mîmes à polissonner par tous les versants du Parnasse contemporain pour en dénombrer les incongruités. Hugo et Gautier passèrent vite au rang de perruques, il nous fallait d’autres piments. Nous fîmes venir de Paris le volume des Fleurs du Mal, puis les Gueux de M. Richepin et ses Blasphèmes, qui paraissaient, puis M. Rollinat, dont les Névroses venaient d’être jugés durement par M. de Pontmartin, ce qui leur fît un titre. Croira-t-on qu’il me reste dans la mémoire des strophes entières de la Vache au taureau et de la Belle Fromagère, pas mal de vers du sonnet des Larmes, du sonnet Tes père et mère et un assez grand nombre de chansons « touraniennes » pour donner la réplique à M. Auguste Gauvain ? Mais c’est Baudelaire qui enfonça la griffe. Ni Leconte de l’Isle, ni Heredia, ni même Mallarmé ne poussèrent aussi profond.

Soit qu’une jeune professeur laïc arrivé du quartier Latin m’eût appris le tour et le biais, soit que les hauteurs modérées du baudelairisme fussent moins propres à décourager l’ambition, c’est d’alors que date ma métromanie véritable. Elle n’a pas cessé, si elle a pu languir et ralentir un peu, et je la compare à ces maux dont il faut s’arranger pour vivre, puisqu’on ne peut pas en mourir.

À Paris, durant quatre ou cinq années d’absorption philosophique à peu près totale, ces études