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de goût pour les petites filles !… Pour ce qui est de ces deux là, c’est bien simple : ils me lèvent sur le cœur… Ainsi, c’est pour dire !… Oh ! je fais mon métier ! Je donne son courrier au vieux, recta, comme à un homme respectable !… Mais ça ne m’empêche pas de penser ce que je veux, et de dire ce que je crois !… C’est mon droit, pas vrai ?

Par contre, M. Diamant qui, jusqu’à cette époque, avait paru ignorer l’existence de Charibot, le saluait maintenant avec un mince sourire oblique, en fixant sur lui le regard muet qui unit deux complices ; et, quand Mathilde passait, il s’inclinait cérémonieusement, comme il savait le faire lorsqu’il susurrait à la mariée, durant un festin nuptial : « Château-Yquem ? ou : « Romanée-Conti ?… »

Mathilde lui trouvait une face d’assassin.

— Voyez cour d’assises… séance à huis clos ! avait-elle déclaré à Charibot.

Mais, comme le maître d’hôtel lui faisait peur, elle se montrait aimable envers lui, et la haine de Mme Diamant s’en aiguisait.

— Pensez-vous !… Cette roulure qui fait de l’œil à mon mari !… Ah ! elle aime les vieux, celle-là !… On lui en donnera, oui !… Ce n’est pas parce qu’on se dit ses vérités, Diamant et moi, et qu’elle nous a vus un jour nous flanquer des calottes, qu’il faut qu’elle s’imagine !… Mon mari est mon mari, et je saurai le garder !

M. Charibot avait également raconté son histoire à ses collègues de la librairie. Son ami Claustre lui avait bourré les côtes de coups de poing sympathiques.

— Sacré paillard, va !… Avec tout ce qu’on sait de vous et de vos habitudes !… Une parente de province !… Mais vous m’avez dit vingt fois que vous n’aviez plus de famille ?… Elle est tombée de la lune, votre parente de province ?… Cachottier !… Est-ce qu’on a des secrets pour ses amis ?… Allez, dites-moi,