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— Il va falloir nous organiser… murmura le caissier.

Comme elle demeurait muette, absente, fermée, il ajouta :

— J’ai là mon divan… J’en fais un lit, quand je reçois un ami de province… J’y suis très bien…

En même temps, il se demandait :

« Comprendra-t-elle mon respect ?… Ne va-t-elle pas se méprendre ?… Si ma réserve allait lui paraître une offense ? »

Il reprit, d’une voix étouffée :

— Vous… vous pourriez prendre ma chambre.

Puis, dans un immense effort, il ajouta :

— Mais… si vous vouliez bien… qu’on partage le même lit ?

Elle répondit aussitôt, sur un ton glacé, le visage dur et sombre :

— Si vous y tenez… C’est votre droit… Tous les hommes sont pareils… Vous me recueillez, je n’ai rien à dire si vous vous payez sur moi.

Alors, défaillant de bonheur, il fut sur le point de s’agenouiller devant elle. Il s’écria :

— Moi ?… Moi ?… Ah ! que vous me connaissez mal !… Je vous ai dit cela, voyez-vous… je vous l’ai dit, parce que j’avais peur que vous ne me méprisiez… si je ne vous le disais pas !… Mais, je vous le jure, si vous m’aviez répondu oui, j’aurais été désespéré… Ne craignez rien… mon petit !… mon amie !… Mathilde !… Ne craignez rien de moi !… Aimez-moi comme un père, en attendant de m’aimer… autrement… Moi, je vous adore pour votre pureté !

— Vous m’avez comprise… dit lentement la jeune femme. Je suis bien heureuse… Je vous permets de m’embrasser !

Elle approcha son front ; et, défaillant, les genoux tremblants les yeux fermés, il y posa ses lèvres.