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LES MÉMOIRES D’UN IMMORTEL

— Vous allez recommencer ?… Que vous êtes désagréable, Guy !… voyons, mon chéri, nous avons mieux à faire. Hâtons-nous, nous ne pourrons plus y revenir. Le notaire de la petite va apprendre le décès ce matin et il tardera d’autant moins à mettre les scellés qu’il ne m’aime guère…

— Vous avez raison, ma Lulu…

Pronom superflu : j’en savais maintenant assez. Guy, Ségur 102-90, était le héros des lettres anonymes. Tout ce qui allait suivre de sa visite ne pouvait que m’éclairer sur la moralité du personnage. Et ce fut du propre. Ma plume hésite à le tracer…

Muni des clefs que sa Lulu — ah ! non, je n’écrirai plus maintenant ma Lucienne ! — que sa Lulu, dis-je avait tirées de son corsage, il atteignit le secrétaire Louis XVI où je déposais mes valeurs et documents d’affaires, l’ouvrit et commença un dépouillement en règle de tout ce qui s’y trouvait. Aucun papier ne lui échappait. Il les parcourait rapidement, puis les repoussait, en haussant les épaules. Que cherchait-il ?… J’avais l’innocence de me le demander encore.

Il tomba sur une enveloppe importante, volumineuse, cachetée, vierge de toute inscription, où j’avais réuni les souvenirs sacrés d’Émeline : lettres, portraits et fleurs fanées. J’avais dû résister, pour les conserver, au caprice de Lucienne qui voulait les détruire.

— Et ça, Lulu, est-ce que par hasard ?…

— Non, je sais ce qu’il y a dedans. Ce n’est rien.

— Rien ?…

— Des affaires de son ancienne. Passez. Voyez plutôt dans dans le tiroir à secret.

Elle-même déclencha le ressort qui ouvrait la cachette. Il y plongea avidement la main, et ramena une liasse de billets de banque, reliquat d’un paiement que je n’avais pas encore eu le temps de porter à ma maison de crédit.

— Vingt beaux billets !… énuméra-t-il, joyeux. Il gagnait donc tant d’argent avec sa littérature ?