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LE SUCRIER EMPIRE

Mon offensive, ce que j’appellerais : la campagne du Sucrier Empire, donne de rapides résultats. Comme ces biologistes de la guerre future qui enverront à l’ennemi des cultures terrifiantes de microbes, ainsi, grâce à moi, le microbe de l’antiquaille — il faut bien que je lui donne un nom — exerce ses ravages dans le ménage Poussenot. J’ai reçu un pneumatique de Jeanne, illisible, griffonné avec cet outil moyenâgeux et inutilisable : un porte-plume de bureau de poste.


« Mon ami,

« Que se passe-t-il ? Pourquoi ce départ ? Quels liens solides voulez-vous briser ? J’ai mon cœur qui bat très mal depuis votre lettre… mais quelle folie que ce sucrier ! Je lui ai cherché une place toute la matinée dans le salon, sans la trouver. Rassurez-vous ! Je lui achèterai un guéridon sur lequel il sera seul, le seul souvenir que j’ai de vous.

« Jeanne. »


Un guéridon ! Je frémis d’une joie secrète. J’imagine, j’entends la discussion du ménage Poussenot, le refus de Gaston, l’insistance de Jeanne, ce motif de dispute que mon machiavélisme vient d’installer dans cette maison, ce sucrier de style impérial qui va bientôt devenir impérieux.

Et c’est la limite même de la volupté à laquelle je touche, quand je reçois, deux jours plus tard, de la femme de chambre que j’ai soudoyée, le rapport suivant :


« Monsieur,

« Comme je l’ai promis à monsieur, quand monsieur m’a donné cinquante francs, j’ai le plaisir d’annoncer à monsieur que ça ne va pas. Tou-