Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

À bas les Philippistes
Et les Bonapartistes !
À bas la royauté,
Vive la Liberté !

Mais ces fureurs n’empêchaient point ma douce Émilie de m’inculquer d’autres paroles qui ouvraient les portes du rêve :

Ma sandelle est morte
Ze n’ai plus de feu,
Ouvre-moi ta porte
Pour l’amour de Dieu…

Émilie soupirait aussi, chantant et mimant avec grâce :

Madame à sa tour monte…

Ou, plus passionnément :

Mon paze, mon beau paze,
Quel nouvelle apportez ?

Ainsi de la cuisine à la rue, au jardin, était guetté, reçu, accueilli, conservé tout ce qui courait ou rôdait, refrains nouveaux, refrains vieux et antiques ! Tout m’était bon, j’y mettais la seule condition, que parole et musique fussent, l’une et l’autre, bien claires. C’est de ces jours lointains qu’émergent en moi, pêle-mêle, le psaume provençal des pèlerins de la Sainte-Terre, partis chaussés de neuf, rapportant des souliers perdus, mais se sont régalés de fèves fraîches, de saucisson et de jambon « à la barbe du vieux Cambon » ; le cantique des Pénitents blancs qui vont devant et des pénitents bleus qui vont derrière ; l’absurde récitatif de l’oiseau de mer dont la mère est morte et que les prêtres vont enterrer ; l’Alleluia pour les maçons et tous les autres corps de métier ; ou cette vive et jolie ronde à laquelle Mistral adaptera plus tard les paroles sublimes du chant des