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Nicolas. — Tu ne comprends plus. Mais il y en a d’autres qui comprennent.

Luba. — Boris, n’est-ce pas ?

Nicolas. — Oui.

Luba. — C’est votre véritable enfant, c’est votre fils chéri : il est fidèle à votre enseignement…

Nicolas. — Il n’abandonne pas le chemin de lumière.

Luba. — Mais il souffre affreusement.

Nicolas. — Tu crois qu’il souffre. Il est heureux, il le proclame. Et regarde celui-ci, Alexandre Petrovitch, il est heureux aussi.

Alexandre. — C’est vrai.

La Princesse, entrant brusquement. — Je viens de votre appartement. On m’a dit que vous étiez ici, dans le bal. D’abord je ne voulais pas le croire. Mais c’est vrai. Eh bien ! Voici ! Je viens d’apprendre que Boris va partir pour les bataillons de discipline. Vous entendez bien ! Il était avec des fous, ce n’était pas assez. On va le faire vivre avec des criminels. Et, s’il refuse encore de servir, on le battra, on le déchirera à coups de fouet, on lui fera subir d’affreux supplices. Et il s’obstinera, j’en suis sûre, il mourra plutôt que de céder…

Nicolas. — Le pauvre enfant !

La Princesse. — Oui ! Vous pouvez le plaindre. Et vous pouvez aussi vous frapper la poitrine en gémissant : « C’est ma faute ! c’est ma faute ! » car c’est vous qui lui avez fait tant de mal. Mais vous ne semblez pas vous en douter. Tandis que le disciple va être livré aux bourreaux, le maître est dans un bal. Il porte un costume bizarre et il répète de belles phrases comme un acteur. Vous n’êtes qu’un cabotin qui veut se faire passer pour un apôtre. Celui-ci est votre compère, hein ? Vous vous faites du bon sang tandis que je pleure sur mon fils. Vous félicitez sa fiancée qui a eu le bon goût de le trahir pour épouser le riche et brillant Starkovsky.

Nicolas. — Que dites-vous ?