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Nicolas. — Songe à toutes les fiancées, à toutes les mères pour qui il accepte aujourd’hui la douleur ! Songe à tous les fiancés, à tous les fils qu’on envoie à la mort et qu’il veut sauver.

Luba. — Son effort sera inutile. Et que m’importent ces femmes et ces hommes que je ne connais pas ? Il y a moi et mon bonheur…

Nicolas. — Tais-toi !

Luba. — Il y a celle-ci qui est douloureuse comme moi. (Elle ouvre la porte.)

La Princesse, entrant. — Vous l’avez persuadé, n’est-ce pas ? Il consent ! Boris ! Mon chéri ! Il faut que tu saches… Vraiment, je n’ai vécu que pour toi ! J’ai lutté pour t’élever. Tu es toute mon espérance. Si je te perds, tout ce que j’ai fait a été inutile. Mais parlez-lui, Nicolas Ivanovitch ! C’est vous qui l’avez amené là, c’est à vous de le sauver.

Boris. — Maman, écoute-moi !

La Princesse. — Non ! c’est toi qui dois m’écouter. Je ne veux pas que tu ailles en prison, que tu sois déshonoré. Il s’en moque bien, lui ! Il est tranquille. Son fils Stepa fera son service, va ! Ils vivent tous bien sagement dans le luxe et en respectant les lois. Mais parle-lui donc, Luba ! C’est ton fiancé.

Luba. — Il m’abandonne.

Boris. — Maman, Luba, essayez de me comprendre.

La Princesse. — Comprendre quoi ? Votre nouvelle religion ? Votre religion du diable ! Vous appelez ça le christianisme ! Ah ! Ah ! Une religion qui ordonne de désespérer les siens, ce n’est pas le christianisme. Non ! Non ! Il n’est pas possible que tu ne te laisses pas fléchir. Mon Boris chéri, aie pitié de moi ! Toute ma vie n’a été qu’un tourment. Tu me réserverais encore ce supplice ? Ce n’est pas possible ! Boris ! Aie pitié de moi !

Boris. — Maman ! Ta douleur me déchire. Mais je ne peux pas faire ce que tu me demandes. Je ne peux pas.