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sais que tu la vois, mais tu ne te décides pas à croire. Et tu ne crois pas en moi. Mais tu crois en tout le monde, la princesse et les autres.

Maria. — Je crois en toi. J’ai toujours eu confiance en toi, mais tu veux réduire tes enfants à la mendicité.

Nicolas. — Voilà ce qui prouve que tu ne crois pas. Penses-tu donc que je n’aie pas lutté ? Maintenant, je suis convaincu que c’est nécessaire et salutaire pour les enfants. Tu dis toujours que s’il n’y avait pas d’enfants, tu me suivrais ; mais moi, je te dis que si nous n’avions pas d’enfants, nous pourrions à la rigueur continuer à vivre comme par le passé. Nous ne perdrions que nous-mêmes. Mais songes-tu que nous les perdons ?

Maria. — Que faire si je ne comprends pas ?

Nicolas. — Et moi aussi, que dois-je faire ? Car je sais pourquoi vous avez fait venir cet homme misérable vêtu de cette soutane, cet homme qui porte la croix, et je sais aussi que ta sœur Alina a amené un notaire. Vous voulez que je transmette ma fortune. Je ne puis le faire. Tu sais bien que je t’aime depuis les vingt-cinq ans de notre vie commune ; mais si je me dessaisis de mon bien, ce doit être en faveur de ceux que l’on a dépouillés, en faveur des paysans. Je ne puis agir comme tu le désires, je dois leur rendre et je vais le faire. Le notaire vient à propos.

Maria. — Ah ! c’est affreux ! Pourquoi être si cruel ?

(Elle pleure.)

Nicolas. — Écoute ! Comprends bien ! Si je fais une donation en ta faveur, je ne pourrai plus vivre avec toi. Je devrai partir. Je ne puis continuer à vivre dans ces conditions. Je ne saurais voir qu’en ton nom, puisque ce ne sera plus au mien, on opprime les gens, on les mette en prison. Eh bien, choisis.

Maria. — Mais voyons ! Je ne puis pas vivre comme tu veux. Je ne puis pas arracher à mes enfants leur