à la princesse Keramat es Saltané
I
« La Lumière des nuits», c’était mon nom. « La Splendeur des ténèbres » était le tien.
Et nous étions deux miroirs qui se reflétaient, se multipliant en mille, en dix mille.
Côte à côte nous avons vécu des années.
Sur les mêmes coussins nous nous sommes reposées quand la chaleur de nos nuits nous arrachait le sommeil.
Te souviens-tu, nos têtes brunes si proches l’une de l’autre sur ces coussins fatigués, et nos yeux plus profonds que le ciel de ces nuits, attentivement, suivant les étoiles dansant autour de la lune, et nos oreilles voulant saisir la mélodie de leur danse harmonieuse ?
Te souviens-tu de ces nuits ?
Te souviens-tu de nos jours ? Nos jours, quand, aux appels amoureux des voix mystiques des mouézins, le soleil nous forçait à descendre des hauteurs de nos maisons dans les souterrains, où l’ombre des pierres humides nous offrait son abri ?
Lasse de langueur de ces nuits, lasse de désirs indécis, j’entendais ta voix éteinte, ta voix passionnée, ta voix étouffée en murmurant :
« Merguem miaï » |
Comme j’étais alors loin de te comprendre, ô ma Splendeur, ô mes Ténèbres !