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Canada, à l’extrémité de la zone colonisée de l’Australie ? Non, dans ces pays aussi la valeur de la terre est nulle également. On connaît le régime des terres aux États-Unis : il est parfait. Depuis 1826 l’Union fait vendre aux enchères les terres domaniales au prix de 1 dollar 1/4 l’acre, c’est-à-dire 16 fr. 50 l’hectare. Quarante hectares sont considérés comme suffisant à l’activité d’une famille moyennant 660 francs une famille de prolétaires américains peut donc se mettre en possession de cette matière première indispensable de la culture. Il est vrai qu’elle aura de la terre à l’état brut ; couverte de broussailles ou d’arbres sans valeur, malsaine peut-être, sans clôtures, sans rigoles, surtout sans habitation. Elle se trouvera dans la situation de Caïn et d’Abel aux premiers jours du monde dans une situation inférieure même, car les animaux lui manqueront, et il lui faudra les acheter, comme les semences mais dans ces zones éloignées tout cela a peu de valeur. En revanche, cette famille de prolétaires agricoles aura plus de connaissances, plus de sécurité, elle pourra se procurer à peu de frais des instruments plus puissants que les premiers hommes.

Que l’on pût acquérir pour 16 fr. 50 un hectare, ou pour 660 francs un lot de quarante hectares, c’étaient déjà des conditions bien satisfaisantes, et il n’en coûtait pas beaucoup pour être « seigneur terrien ». Depuis 1854, cependant, ces conditions sont devenues encore plus avantageuses. En général, l’enchère est purement nominale, les terres sont vendues à bureau ouvert au prix que nous avons indiqué plus haut. Quelques unes, cependant, soit qu’on les croie inférieures de qualité, soit qu’elles se trouvent moins rapprochées des chemins ou des cours d’eau, soit pour toute autre cause, n’ont pas preneur à ce prix de 1 dollar et quart l’acre. Que fait-on alors ? Quand elles sont restées ainsi dix ans en vente sans tenter l’acheteur, on abaisse le prix à 1 dollar ou 100 cents l’acre, 13 fr. 20 l’hectare ; au bout de quinze ans ce prix descend à 75 cents ou 4 francs l’acre au bout de vingt ans à 50 cents ou 2 fr. 67 centimes ; au bout de vingt-cinq ans à 25 cents ; au bout de trente ans à 12 cents et demi, soit trente sous l’hectare.