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membres d’un parlement, plus du tiers, peut-être plus de la moitié, participe aux syndicats, aux fondations, aux émissions, aux razzias de primes ?

Si nous examinons la fiscalité, nous sommes frappé non pas de l’énormité des droits de consommation, qui comme compensation font hausser les salaires, mais de certaines taxes absurdes d’enregistrement, celles qui confisquent la totalité des petits héritages, celles qui, frappant démesurément les transmissions d’immeubles entre vifs, empêchent l’ouvrier d’acquérir facilement sa demeure, celles qui en grevant les transports contraignent les ouvriers de s’agglomérer au sein des villes populeuses au lieu de leur permettre de se répandre dans la campagne, celles encore qui en prélevant une dîme sur les dons et les legs entravent la formation de cette richesse commune et collective dont l’extension doit être la contre-partie et comme la rançon de la propriété privée.

Quand il représente la généralité des contribuables, l’État, dans certains pays du moins, en France surtout, est d’une déplorable faiblesse, d’une imprévoyance inexcusable. Il sacrifie presque toujours l’intérêt général à l’intérêt particulier, quand cet intérêt particulier groupe toute une catégorie de personnes, pour ainsi dire toute une classe. Si la concurrence des pays neufs vient à diminuer le prix du pain et de la viande, par conséquent à faire baisser la rente de la terre, on voit le gouvernement s’inquiéter et être prêt à intervenir pour empêcher, par le renchérissement artificiel de la viande et du pain, que les fermages ne viennent à baisser. L’État ne s’aperçoit pas qu’il s’oppose ainsi au mouvement naturel qui nous porte vers une moindre inégalité des conditions qu’il intervient en faveur des riches ou des gens aisés, les propriétaires fonciers, contre le gros du public qui est toujours plus ou moins gêné. Si des causes de même nature viennent à faire baisser le taux de l’intérêt, ce qui est encore un des moyens d’arriver à une moindre inégalité des conditions, on voit aussi dans certains pays l’État s’alarmer et se mettre en travers il prend fait et cause pour les rentiers, il hésite à les rembourser, à convertir ses dettes, il leur fait des largesses au détriment de l’ensemble des contribuables.