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s’appliquent fort bien à la société de l’avenir. Déjà dans les grandes villes de France il se produit quelque chose d’analogue. Un bon artisan ordinaire gagne à Paris 7 ou 8 francs par jour, auxquels viennent souvent s’ajouter des heures supplémentaires grassement payées, ce qui lui fait en tout 2,000 à 2,500 francs par an. Un employé capable, rangé, a beaucoup de peine à trouver une place de 125 à 150 francs par mois, c’est-à-dire de 1,500 à 1,800 francs par an. L’écart entre ces deux natures de rémunération devra encore s’accentuer dans le même sens.

Si l’État ne doit, céder qu’avec circonspection à ceux qui lui demandent de distribuer à tout venant l’instruction intégrale et l’instruction professionnelle, il doit résister encore davantage à ceux qui voudraient qu’il constituât des retraites civiles, qu’il rendit obligatoire ; l’assurance sur la vie et toutes sortes d’autres combinaisons aussi séduisantes.

Certes, s’il était efficace, ce serait un procédé facile et commode d’établir le bonheur universel que d’édicter que chaque ouvrier supportera sur son salaire une retenue de 5 p. 100, que chaque patron devra fournir, pour le compte de chacun des ouvriers qu’il emploie, une cotisation de 5 p. 100 aussi, et que l’État, le père commun des citoyens, survenant en dernier lieu et comblant la mesure, aurait à allouer une subvention égale aux cotisations réunies de l’ouvrier et du patron. Ce ne serait pas sans doute un mince sacrifice que l’on imposerait à l’État, puisque, en calculant à dix milliards de francs — ce qui n’est pas exagéré — le montant total des salaires en France, on réclamerait ainsi de lui un milliard annuellement. On ne manquera pas de dire que les retenues et les subventions, dont nous venons de fixer le chiffre seraient trop élevées, qu’on pourrait les réduire de moitié, ce qui réduirait à 800 millions environ la subvention de l’État, ou même des trois quarts, ce qui la limiterait à 230 ou 300 millions. Dans ces proportions, la retenue obligatoire, sur le salaire de l’ouvrier serait de 1,25 p. 100, soit de 12 fr. 80 par 1,000 francs : le patron, devrait fournir une somme égale, et l’État doubler le tout. De ces trois éléments il résulterait que l’ouvrier bénéficierait, à la Caisse nationale des retraites, d’un