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de plus ; et cette catégorie de propriétaires ne doit pas détenir le sixième du sol français[1].

Ces nombres seraient encore réduits de beaucoup si l’on tenait compte des hypothèques. Bien loin de rester au-dessous de la vérité, nous sommes, sans doute, au-dessus. Des juges compétents estiment que le nombre des propriétaires fonciers de quelque importance est en France encore moins considérable que nous ne t’admettons. M. Casimir Périer, dans son rapport sur le budget rectifié de 1871, s’exprimait, par exemple, en ces termes (séance de l’Assemblée nationale du 31 août 1871) : « Les revenus élevés provenant du sol sont une exception en France. Sur huit millions de propriétaires il y en a six millions qui paient moins de 30 francs de contribution foncière ; il n’y en a pas quinze mille qui paient plus de 1,000 francs ; et comme il s’agit ici du principal et des centimes additionnels, cela équivaut à dire qu’il n’y a pas quinze mille personnes ayant 7 à 8,000 francs de revenus fonciers[2]. »

M. Casimir Périer allait trop loin. Il oubliait que les statistiques auxquelles il faisait allusion étaient déjà un peu anciennes et que le revenu foncier s’était développé depuis lors ; il ne tenait pas compte surtout de ce que dans un grand nombre de départements, notamment dans la plupart de ceux du midi, une cote foncière de 6 ou 700 francs correspond en général à un revenu d’au moins 7 ou 8,000 francs, souvent même de 10,000. En évaluant, comme nous l’avons fait, à 50 ou à 60,000 le nombre des personnes qui en France possèdent des propriétés soit urbaines, soit rurales, rapportant 6 ou 7,000 francs de rentes, on approche autant que possible de la vérité.

Ces conclusions étonneront sans doute beaucoup de gens.

  1. Dans un article de l'Économiste français du 19 juin 1880 nous avions parlé de 100,000 propriétaires fonciers, dont 50.000 ruraux avant au moins 6 à 7000 fr. de rentes, un examen plus attentif nous a convaincu que ces chiffres étaient exagérés.
  2. Nous empruntons cette citation a un Rapport fait par M. de Luçay au nom de la Société des agriculteurs de France (voir le Bulletin de la Société des agriculteurs, n° du 1er mai 1880, p. 362).