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et il y a là aussi des personnes morales, comme les universités, les corporations ou les églises. Dans toute l’Angleterre, il ne se rencontre que 599 personnes percevant un traitement de plus de 50,000 francs, et moins de 3,000 personnes ayant un traitement de plus de 25,000 francs. Si l’on distribuait l’excédent des traitements au-dessus de 25,000 francs entre tous les traitements inférieurs, on n’obtiendrait pas non plus une énorme augmentation de ces derniers : et cependant, il n’y a pas de pays où les traitements et les pensions[1] approchent de ceux de la Grande-Bretagne, et l’on peut dire que, dans bien des cas, ils y sont exagérés.

L’étude rapide que nous venons de faire, s’appliquant au pays le plus aristocratique du monde, à celui où l’industrie et le commerce présentent la plus grande concentration, est donc, elle aussi, instructive, et contribue à mettre en lumière ce phénomène, déjà observé en Allemagne, que dans les sociétés modernes la richesse est beaucoup plus répandue qu’on ne le pense, et que les énormes fortunes y sont plus rares qu’on ne le croit.

Le produit de l’impôt sur les domestiques mâles dans la Grande-Bretagne pourrait encore servir d’indice relativement à la distribution des fortunes. Nous avons déjà (page 290, note) analysé les statistiques anglaises concernant la taxe on male servants, établie en 1777. Malheureusement on avait, à l’origine, et jusque vers 1834, donné à l’expression de domestique mâle une extension singulièrement exagérée, y comprenant les garçons d’hôtel ou de café, certaines catégories de commis, notamment les caissiers et les commis-voyageurs. Aussi l’impôt rapportait-il deux fois et demie plus vers 1812 que maintenant. À l’heure actuelle ce droit ne pèse que sur les véritables domestiques mâles il portait, en 1878, sur 207,237 personnes exerçant cette profession. Il est assez difficile d’en conclure le nombre exact des personnes qui sont, par leur revenu, en état d’entretenir un domestique mâle. Les grands seigneurs anglais et les grands commerçants, les lords du coton de même que les

  1. Voir plus haut sur les Pensions britanniques le chapitre XIII, page 356.