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nous avons déjà cité à propos des pensions dans le Royaume-Uni, le Financial Reform Almanach, a fait une catégorie particulière parmi ces 5,408 très-gros propriétaires. Il a dressé la liste alphabétique, comté par comté, de 2,184 individus, dont aucun ne possède moins de 5,000 acres (2,000 hectares), et qui, tous réunis, détiennent une étendue de 38,875,522 acres, soit 15,850,208 hectares, un peu plus de la moitié de toute la superficie du Royaume-Uni. Ce n’est pas tout encore : sur ces 2,184 propriétaires si fortunés, il s’en rencontre 421 dont la part totale n’est pas inférieure à 9,152,302 hectares, soit 21,700 hectares en moyenne par personne. Citons quelques-unes de ces surprenantes fortunes territoriales, qui sont un reste de la féodalité : le duc de Sutherland possède à lui seul 1,206,694 acres, 482,676 hectares, presque l’étendue moyenne d’un département français. Le duc de Buccleugh et le marquis de Breadalbane ont l’un 459,000 acres (184,000 hectares), l’autre 437,400 acres (175,000 hectares) ; quatre autres personnages, dont il serait superflu de dire les noms, possèdent plus de 200,000 acres (80,000 hectares), soit l’étendue d’un de nos petits arrondissements. Toutes ces propriétés géantes sont en Écosse mais en Angleterre il s’en rencontre plusieurs au-dessus de 150,000 acres (60,000 hectares). Ne nous arrêtons pas plus longtemps à ce phénomène qui tient, non au libre mouvement des fortunes, mais à des lois restrictives, aux substitutions et aux majorats[1]. On doit espérer que ces lois d’un autre âge finiront par disparaître, et que la législation ne s’efforcera plus de maintenir artificiellement l’inégalité des richesses territoriales.

La propriété mobilière est-elle, dans la Grande-Bretagne, concentrée comme la propriété foncière ? Nous n’avons pas à ce sujet de moyens certains de nous renseigner. Mais nous pouvons savoir grosso modo, par les statistiques de l’Income tax, quelle est la distribution des revenus commerciaux ou professionnels, ainsi que des traitements ; ces deux catégories de

  1. On trouvera sur ce sujet de très nombreux détails dans l'Économiste français du 9 mars 1878 : La distribution du sol et la taxe de la terre en Angleterre.