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d’eaux auront expiré et que la canalisation établie par les sociétés privées aura fait retour aux villes, cette valeur aura doublé. Il est peu probable que dans les prochaines années l’activité sociale cesse d’élargir le domaine public de la viabilité, de la navigation, ainsi que le domaine public monumental. Vers le milieu du vingtième siècle, c’est à 50 milliards et peut-être à plus que s’élèvera, nous ne disons pas la valeur (car ce mot ici n’a plus de sens), mais l’ensemble des capitaux dépensés par l’État, les communes et les départements de France, pour créer toute une richesse collective dont la plus grande partie sera mise à la disposition gratuite des habitants.

Il faudrait y joindre les fondations privées qui ne laissent pas aussi que d’avoir quelque importance. On calcule en France que les dons et legs, ceux du moins qui sont officiellement recensés, faits à des établissements religieux ou charitables et aux communes, montent en moyenne à une trentaine de millions de francs par an. Ce sont les chiffres des statistiques. Ils restent, croyons-nous, fort au-dessous de la vérité ; il s’en faut que toutes les souscriptions ou tous les versements à des œuvres philanthropiques soient compris dans ces constatations administratives ; tout ce qui se donne de la main à la main échappe à cet enregistrement ; les œuvres individuelles non plus n’y figurent pas. Ce n’est pas à 30 millions, c’est à coup sûr à une centaine qu’il faut évaluer, dans un vaste pays comme la France, la part des cotisations, des charités, qui viennent annuellement constituer un capital permanent pour le soulagement des infortunes individuelles ou pour l’instruction, l’éducation, la récréation de tous. Or, cent millions par an, cela fait un milliard en dix ans et dix milliards par siècle.

Bien loin que l’on soit au terme de cette formation d’une richesse commune et indivise, nous pensons qu’on n’en est encore qu’au début. La civilisation moderne qui a été singulièrement individualiste (et c’était une nécessité, une condition de progrès) pendant les trois derniers quarts de siècle, tend à devenir plus socialiste, dans le sens que ce mot devrait avoir, ou plus altruiste pour nous servir d’une expression souvent