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300 millions de francs par année les sommes que l’État français, les départements, les communes, consacrent à des travaux neufs devant accroître le domaine public. Si ce chiffre restait stationnaire, ce serait de 30 milliards environ en un siècle que s’accroîtrait le patrimoine commun des habitants de la France. Or, l’on ne peut estimer aujourd’hui à plus de 150 ou 160 milliards l’ensemble de la richesse du pays. Mais c’est bien plus de 300 millions, c’est au moins 300 que l’on affecte dans notre pays chaque année à cet élargissement du patrimoine collectif.

Nous ne pouvons ici entrer dans de grands détails contentons-nous de quelques remarques précises. On divise, d’ordinaire, le domaine public en différentes catégories domaine public maritime, domaine public militaire, domaine public de la navigation intérieure, domaine public de la viabilité, domaine public monumental. Il y a, sous ces diverses formes, toute une richesse énorme, dont la plus grande partie n’est pas inventoriée, qui échappe aux statistiques et qui, sans produire de revenus directs, est souvent pour les citoyens une cause d’utilité et d’agrément. Chacun jouit, sans s’en rendre compte, de cette richesse commune dont le développement dans ces derniers temps a été si rapide et le sera encore plus à l’avenir. Qui pense, en se promenant dans les magnifiques jardins de la ville de Paris, en s’asseyant sur les bancs qui y sont prodigués qu’il a fallu des dépenses considérables pour mettre à la disposition de tous les citoyens ces parcs riants, si bien dessinés et d’un aspect enchanteur ? Qui songe, en parcourant les salles somptueuses de nos musées, ornées des chefs-d’œuvre de l’art humain, que c’est là une splendide richesse sociale qui n’était pas gratuite à l’origine et qui est devenue commune ? Qui, en se rendant d’un point à un autre par un chemin commodément tracé, fait la réflexion qu’il a coûté beaucoup d’efforts et de peines pour épargner aux voyageurs une route pénible à travers champs ? Dans vingt, trente ou quarante ans, lorsqu’auront expiré les concessions de la plupart des Compagnies d’éclairage et des eaux, quand tous les frais d’installation de ces entreprises