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des travailleurs au-dessous de cet âge. On se résolut, en 1874 à faire une loi sérieuse : elle fixe à douze ans l’âge où les enfants peuvent être employés dans les manufactures, les usines ou les ateliers, s’étendant ainsi à un champ beaucoup plus vaste que celui de la loi de 1841 ; mais elle admet des exceptions pour certaines industries, celle de la papeterie par exemple. Dans ces branches de travail spécialement indiquées par la loi on peut occuper des enfants de dix ans, sans que le travail de ceux-ci dépasse six heures par jour. Le travail de nuit est interdit pour les enfants au-dessous de seize ans et pour les filles mineures. Jusqu’à quinze ans l’enfant qui ne justifie pas d’avoir reçu l’instruction primaire ne peut travailler que six heures par jour : s’il est suffisamment instruit il peut, même à partir de douze ans, être occupé, comme les adultes, douze heures dans la journée, ce qui est excessif.

Une loi de 1848 a réduit, on l’a vu, à douze heures au maximum le travail effectif des fabriques pour tous les ouvriers. Cette loi est, en général, appliquée dans l’industrie textile du nord de la France, mais, depuis un certain nombre d’années, dans beaucoup d’industries et dans presque toute la région du Midi, le travail des usines n’atteint pas cette limite ; la journée se borne assez souvent à 11 heures, parfois même à 10 ou 10 1/2. Au moment où nous revoyons ces lignes, au printemps de 1880, les ouvriers des manufactures de Reims, ceux de Lille aussi se mettent en grève pour obtenir la journée de dix heures[1]. Il est rare que dans les mines la journée dépasse cette durée, souvent même elle n’est que de huit ou neuf heures.

Dans la petite industrie, dans la plupart des métiers divers

  1. Au mois de juin 1880 les ouvriers des ateliers de construction de Lille se mirent en grève pour obtenir une réduction de la journée de travail. Beaucoup de patrons s’étaient cependant montrés conciliants, notamment la Société de Fives-Lille qui occupait dans cette région 2,000 ouvriers et qui fit à son personnel les propositions suivantes :
    1° La journée réduite à dix heures de travail ; 2° l’heure de travail payée à raison de 40 centimes ; 3° les heures supplémentaires rétribuées à raison de 60 centimes ; 4° les heures de travail de nuit payées environ 26 p.100 en plus.
    Les ouvriers repoussèrent ces offres ; on remarquera que par les heures supplémentaires ils allongent la journée d’une manière très-productive.