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à son travail le lundi avec l’intelligence plus claire, plus de courage à l’œuvre, et une vigueur renouvelée. Jamais je ne croirai que ce qui rend une population plus forte, plus riche, plus sage, puisse finir par l’appauvrir. Vous essayez de nous effrayer en nous disant que, dans quelques manufactures allemandes, les enfants travaillent 17 heures sur 24 ; qu’ils s’épuisent tellement au travail que sur mille il n’en est pas un qui atteigne la taille nécessaire pour entrer dans l’armée, et vous me demandez si, après que nous aurons voté la loi proposée, nous pourrons nous défendre contre une pareille concurrence ! Je ris à la pensée de cette concurrence. Si jamais nous devons perdre la place que nous occupons à la tête des nations industrielles, nous ne la céderons pas à une nation de nains dégénérés, mais à quelque peuple qui l’emportera sur nous par la vigueur de son intelligence et de ses bras. »

Toutes les lois sur les fabriques se proposaient comme seul objet la protection des faibles ; mais aussi d’une manière indirecte, par voie de conséquence, elles réagissaient sur le travail des hommes faits. On ne pouvait guère dans une même filature assujettir les femmes à un travail de dix heures et demie ou onze heures par jour et exiger des hommes treize ou quatorze heures. Il y eût eu, sous ce régime, une déperdition de force motrice et de frais généraux. La limite posée au travail des femmes avait donc quelque chance de s’étendre au travail des hommes. D’un autre côté, si les hommes dans les filatures et les tissages ne travaillaient plus que dix heures et demie ou onze heures par journée, il était peu vraisemblable que les ouvriers des houillères ou des mines qui n’emploient pas de femmes acceptassent une tâche plus prolongée.

La loi du 27 mai 1878 est venue refondre et modifier les dispositions législatives antérieures. Les enfants ne peuvent être admis dans les ateliers au-dessous de dix ans ; de dix à quatorze ans ils ne peuvent travailler que 5 heures par jour ou 56 heures et demie par quinzaine. Bien plus encore, pour les adolescents de quatorze à dix-huit ans et pour les femmes de tout âge le travail ne