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bué à faire respecter l’ouvrier par le patron, à améliorer l’organisation et l’hygiène des ateliers, à diminuer la journée de travail. La grève appartient à cet ensemble de moyens coercitifs, tels que la guerre, le duel, les procès dispendieux, etc., qui ont sans doute beaucoup d’effets subversifs, mais qui, en définitive, amènent dans les relations sociales ou nationales des habitudes de courtoisie, de déférence et de mutuel respect.

C’est, néanmoins, la troisième cause, l’intervention du législateur, qui le plus contribué à la réforme de la grande industrie. Rompant avec ses traditions antérieures, le législateur, agissant graduellement, timidement d’abord, puis avec plus d’audace, a été le principal auteur de la réduction de la journée de travail et d’améliorations sérieuses dans l’organisation des ateliers.

On a souvent débattu, entre économistes, la question de savoir si le législateur est sorti de son rôle en s’informant des conditions du travail dans les ateliers et les usines, et au besoin en les réglementant. Peu d’États ont cru devoir s’arrêter au système de l’absolue abstention en ce qui concerne la police du travail en commun ; peu d’écrivains aussi ont recommandé cette indifférence ou cette inaction. C’est l’aristocratique Angleterre, le partisan le plus déclaré et le plus tenace de la liberté individuelle, qui la première a pris l’initiative des lois sur les manufactures. La petite république fédérale et démocratique de l’Helvétie, entrée en 1877 la dernière dans cette voie, y a fait plus de progrès que ceux qui lui avaient donné l’exemple.

Il ne peut y avoir d’abord aucun doute sur la légitimité et l’utilité de l’intervention de l’État pour la réglementation du travail des mineurs et des femmes. L’État a envers ces deux catégories de personnes un droit de protection ; il doit l’exercer, assurément, avec réserve et circonspection pour ne pas annuler le droit du mari et celui du père, mais il ne saurait non plus renoncer à en faire complètement usage. L’État a aussi des devoirs envers lui-même, envers les générations futures, celui notamment de préserver les forces nationales. Sur ce premier point, il ne peut y avoir de contestation. L’intervention de