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n’eût pas profité à l’ouvrier pour l’accroissement de ses loisirs et pour une meilleure et plus hygiénique organisation de sa tâche. Ces effets sont en réalité sortis de ces causes, et chaque jour ils en sortent davantage.

Au début de la grande industrie, dans cette ère que nous avons appelée la période chaotique de la grande industrie, c’est-à-dire depuis le commencement du premier empire jusque vers la fin du règne de Louis-Philippe, le travail des manufactures offrait les plus choquants abus. Il y avait là une exploitation inhumaine des forces de l’homme et une dégradation de sa dignité. Sismondi, plus tard Blanqui l’aîné et Villermé pouvaient avec raison considérer comme désastreuse cette nouvelle organisation du travail. La durée de la journée était excessive pour les hommes, pour les femmes, pour les enfants surtout. Elle allait fréquemment jusqu’à 15, 16 ou 17 heures, même pour les enfants. On se livrait sans aucune précaution et sans mesure au travail de nuit. Les manufactures étaient insalubres, manquaient d’espace et d’air ; on ne prenait aucun soin que les machines ou les transmissions fussent abritées et que les ouvriers fussent préservés des chances d’accident. La santé et même la vie de l’homme n’étaient l’objet d’aucune sollicitude, pas plus qu’elles ne le sont aujourd’hui encore pour certains armateurs anglais ou pour les expéditeurs américains qui chargent le blé en vrac dans leurs navires, et qui font courir les mers à de vieux vaisseaux éclopés ou avariés, mais assurés. Pendant toute cette période qui s’étend de 1810 jusque vers 1848 on épuisait littéralement les forces nationales.

Depuis la fin du règne de Louis-Philippe cette situation s’est modifiée sous l’action de trois causes diverses : 1° une plus grande intelligence, de la part des patrons, de leurs intérêts permanents ; 2° la pression exercée par les ouvriers, usant du droit de coalition ou de grevé, pour obtenir des réductions de la journée de travail, une meilleure organisation des ateliers, des traitements plus équitables, une plus grande somme d’égards et de courtoisie chez les contre-maîtres et les directeurs des usines ; 3° l’intervention de la législation.