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l’épargne, dans l’âge où il n’est pas encore chargé de famille.

Quand il a des enfants, on soutient parfois qu’il vaudrait mieux pour lui que ceux-ci ne travaillassent pas. Sans doute il ne faut pas, dans l’intérêt de leur santé, de leur instruction, de leur moralité, les assujettir à un labeur prématuré. Il est bon que jusqu’à douze ou quatorze ans ils ne se livrent à aucune tâche continue et absorbante ; mais après cet âge il est, au contraire, utile à tous les points de vue, qu’ils viennent par un travail modéré au secours de leur famille, qu’ils lui apportent à peu près le prix de leur entretien. C’est une erreur de prétendre que le travail des enfants déprécie celui des parents : cela peut arriver d’une manière passagère dans quelques industries on peut trouver avantage pour certaines occupations à substituer aux hommes des adolescents ou des femmes il n’en résulte pas que le débouché pour le travail des hommes se restreigne ou soit moins rémunérateur. Les femmes et les enfants ne sont pas pour les hommes de simples concurrents ; ils augmentent la production ; or, comme il faudrait toujours que les ouvriers nourrissent leurs familles ou que la société se chargeât de ce soin, il est clair qu’il vaut mieux qu’il y ait moins de consommateurs improductifs et qu’autant que possible le nombre des producteurs se rapproche de celui des consommateurs. Dire que le travail des enfants ou des femmes déprécie le travail des hommes, c’est croire qu’il n’y a aucun rapport entre le taux des salaires et la production ; il est clair que plus la production augmente, plus les salaires, estimés en marchandises, ont tendance à s’élever. Ce qui est vrai, c’est que l’écart entre la rémunération des hommes et celle des femmes ou des enfants tend à diminuer, non pas que la première baisse, mais la dernière hausse davantage. Voulût-on admettre que, dans certains métiers, le travail des enfants ou des femmes fait baisser le salaire des hommes ou, ce qui serait moins inexact, ralentit un peu l’essor du salaire des hommes, ce ne serait un inconvénient que pour l’ouvrier isolé, mais la famille ouvrière percevrait toujours beaucoup plus par le travail de tous ou de plusieurs qu’elle ne l’eût fait par le travail d’un seul.