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ou organiques, comme la scrofule, la phthisie ? Qu’est-ce surtout en comparaison avec le nombre plus grand encore des hommes qui sont tourmentés de cuisantes douleurs morales ? Certes, l’indigence est un mal ; mais, pour un esprit réfléchi c’est encore un des plus bénins, un des moins étendus qui frappent les sociétés civilisées. Supposez, par exemple, que l’on pratiquât le principe chrétien qui conseille aux hommes riches ou simplement aisés d’employer en bonnes œuvres le dixième de leur revenu, les indigents arriveraient à se trouver dans l’opulence puisqu’ils ne représentent que 3, 4 ou 5 p. 100 de l’ensemble de la population, et que les secours qui leur seraient dévolus atteindraient, par hypothèse, le dixième environ des revenus sociaux.

Les chiffres que nous venons de donner pour l’Angleterre concernent non seulement les indigents adultes, capables d’un travail physique, mais les enfants, les vieillards, les femmes. Le nombre des pauvres adultes et susceptibles d’occupation a surtout singulièrement diminué (adult able-bodied) : dans la période de 1849 à 1859 le chiffre annuel le plus élevé des pauvres de cette catégorie atteignait 201,644 ; le plus faible, 108,082 ; dans la période de 1869 à 1878, le chiffre le plus élevé des indigents adultes capables de travail a été de 194,089 en 1870, le plus faible de 92,806 en 1877. Ce sont les pauvres des autres catégories qui forment donc la grande masse de l’indigence, et c’est naturel : vieillards sans épargne ou sans soutiens, orphelins, veuves, infirmes, telles sont les recrues ordinaires de la pauvreté.

Si l’on veut bien parcourir attentivement le tableau que nous avons dressé, d’après les Statistical abstracts, du nombre des indigents en Angleterre et dans le pays de Galles pendant les trente dernières années, on y verra que non seulement le rapport des indigents à la population a diminué, ce qui pourrait tenir à l’augmentation de celle-ci, mais encore que, d’une manière absolue, le nombre des indigents est notablement plus faible dans les cinq dernières années, de 1874 à 1878, qu’à aucune époque de toute cette période trentenaire.