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sont mis en grève toutes les usines métallurgiques, par exemple, devront fermer et licencier leur ouvriers parce que les ouvriers de l’une seulement de ces usines auront fait grève en recourant aux subventions de leurs camarades travaillant dans les autres établissements. Si l’on n’oppose pas le Lock out ou congédiement en masse dans toute la région à la grève localisée et successive, il est bien probable que le succès sera du côté des grévistes[1].

Ceux-ci jouissent aujourd’hui de sympathies très-nombreuses : le courant populaire est pour eux. Quand une grève éclate dans quelques ateliers d’un corps d’état, ce ne sont pas seulement les ouvriers de la même catégorie, appartenant à d’autres ateliers, qui viennent, par des contributions sur leurs salaires, au secours des grévistes ; les ouvriers de corps d’état tout à fait différents font de même une chambre syndicale de cordonniers, par exemple, enverra une souscription de 500 francs ou de 1,000 francs, parfois de beaucoup plus, en faveur de la grève des tisserands. Le nombre des sociétés ouvrières étant considérable, il en résulte que toutes ces contributions finissent par avoir quelque importance. Il y a aussi la partie agitée et ambitieuse de la classe bourgeoise qui, briguant les suffrages populaires, croit parfois devoir soutenir les grévistes de ses deniers. Il ne se tient guère de réunion politique, en temps de grève, où l’on ne fasse quelque quête à la sortie en faveur des grévistes et où les bourgeois remuants, qui cherchent à capter les faveurs de la démocratie, ne soient obligés de faire quelque versement qui alimente le fonds de grève. Heureux encore, quand les conseils municipaux ne s’en mêlent pas, comme en mai 1879 à Lyon, en faisant participer les contribuables au soutien des ouvriers refusant le travail !

Aussi n’est-il pas rare de voir des grèves réussir : il faut que les circonstances économiques soient très-défavorables à

  1. C’est ainsi que l’on a vu en octobre 1880 les ouvriers ébénistes de Paris faire triompher leur prétention d’élever à 8 francs leur salaire journalier, bien que les patrons aient procédé dans ce cas par la méthode du lock out, congédiant en masse tous leurs ouvriers. Une union durable est beaucoup plus facile à maintenir parmi les ouvriers que parmi les patrons.