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nement des outils, la mise en quarantaine des récalcitrants, le picketing ; il y a là un mélange de faits qui sont blâmables devant la morale seule et de délits réels que la loi doit atteindre. Le désordre matériel n’est plus même aujourd’hui le compagnon habituel des grèves j’ai vu en 1879 à Londres, au temps de Pâques, une grande manifestation ou procession de grévistes traversant toute la métropole, en passant par les plus grandes voies, Trafalgar Square, Pall Mall, Piccadily, pour se rendre à Hyde Park, afin de protester contre une réduction de salaires. Plus de dix mille hommes avec une centaine de bannières de corps d’état ou de sociétés diverses ont ainsi défilé sous mes yeux ; je me suis joint au cortège qui a accompli le parcours fixé et rempli tout le programme sans aucun trouble pour le public. Je n’entends certes pas dire que le droit de circuler en grandes masses à travers une ville et d’encombrer momentanément les grandes voies doive être octroyé dans tous les pays je veux seulement constater que, depuis qu’elles sont licites et assez fréquentes, les grèves se sont dégagées en général des violences et des désordres qui les déshonoraient autrefois.

La reconnaissance du droit de coalition a été non seulement un acte de justice, mais un acte dont la classe ouvrière a certainement tiré profit pour la défense de ses droits, pour le maintien de sa liberté dans le contrat de salaire c’est à dater de cette faculté que le salaire est devenu dans toute la force du terme un contrat libre. Autrefois, la partialité de la loi pour les patrons, les propriétaires et les capitalistes, était flagrante et choquante ainsi une loi de Georges III (chapitres 39 et 40) condamnait à trois mois de prison tout homme qui était convaincu d’avoir engagé les ouvriers à cesser leur travail ; et la même loi n’infligeait que 20 livres sterling d’amende aux patrons convaincus de s’être concertés pour diminuer la rémunération de leurs ouvriers.

Non seulement aujourd’hui les ouvriers ont obtenu la complète égalité avec les patrons mais il semble que la loi leur accorde parfois les faveurs, les privilèges qu’elle réservait jadis à