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mourir de faim ni perdre leurs forces, les conséquences d’une récolte mauvaise ou nulle ; or, tous les ouvriers sont-ils dans ce cas, tous ont-ils quelques milliers de francs d’épargne ? En second lieu, les métayers qui sont eux-mêmes des entrepreneurs ne suffisent pas à la culture de la terre il faut leur adjoindre des ouvriers, du moins pour les principaux travaux, pour la moisson, pour la vendange. Enfin, le métayage qui a incontestablement de grands avantages, offre aussi de très-notables inconvénients ; il est médiocrement propre aux grandes améliorations, aux réformes rapides la première tâche d’un propriétaire qui veut introduire des modes de culture perfectionnés dans un pays de métayage, c’est presque toujours de supprimer, au moins momentanément, pendant la période de transformation, les métairies, quitte à les rétablir plus tard. Il n’en peut guère être autrement les métayers ne se soucient pas de contribuer, par un travail sans rémunération immédiate, à une entreprise qu’ils considèrent comme incertaine, aventureuse, qu’ils blâment souvent parce qu’elle rompt avec leur routine. S’ils font un travail de ce genre, ils veulent être salariés, pour être sûrs de n’avoir pas perdu leur peine. Nous l’avons vu nous-même sur des domaines qui nous concernent dans le midi de la France : ou plutôt nous le voyons au moment où nous écrivons. Tandis que la croyance générale chez les propriétaires méridionaux ayant quelque intelligence et quelque instruction est que les vignes américaines peuvent seules reconstituer les vignobles français et les préserver du phylloxera, les métayers refusent opiniâtrement de s’associer à cette tâche ils n’ont pas assez de confiance dans le résultat ; ils entrevoient trop de risques, trop de chances d’échec ; ils veulent bien contribuer à ce travail moyennant salaire, mais ils refusent de laisser leur rémunération dépendre du résultat lointain et problématique de la plantation des vignes nouvelles. Cet exemple nous est personnel ; il témoigne en faveur du salaire, cette combinaison si simple que tout le monde comprend.

Il y a des entreprises beaucoup plus vastes qui comportent des chances encore plus défavorables et qui ont en outre l’incon-