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point de vue des facilités qu’elles donnent aux hommes habiles pour s’enrichir aux dépens du public, pour passer à celui-ci leurs mauvaises affaires personnelles : elles permettent un genre nouveau d’escroquerie que la loi poursuit rarement et qu’elle n’atteint presque jamais ; 3° on pourrait enfin rechercher l’effet de ces sociétés sur l’épargne.

Quelques-uns de ces points ont déjà été touchés dans des passages antérieurs de cet ouvrage. Nous ne pouvons entrer dans beaucoup plus de détails. Que la législation des sociétés anonymes soit très-défectueuse, qu’elle encourage et favorise l’escroquerie en grand, c’est incontestable. Les droits des obligataires ne sont l’objet d’aucune garantie ; la responsabilité des fondateurs et des administrateurs est illusoire le contrôle des actionnaires ne peut s’exercer d’une manière sérieuse et suivie ; la publicité même à laquelle ces sociétés sont tenues n’est pas assez détaillée.

Si les lois sur ce point sont mauvaises, les mœurs le sont encore davantage. Au point de vue de la composition et du fonctionnement des conseils d’administration de sérieuses réformes sont indispensables, que les intéressés seuls peuvent opérer. L’ignorance et la crédulité du public ont été infinies. La bourgeoisie s’est un peu éclairée et l’expérience lui a été de quelque profit ; elle ne se laisserait plus prendre aux engouements excessifs qui furent si désastreux vers 1838 et 1840. Le peuple qui épargne, les ouvriers, les domestiques, les concierges, les petits employés ont encore leur éducation à faire pour le discernement en matière de placements ; ils la font à grands frais on peut espérer qu’elle sera bientôt achevée, sans être jamais parfaite.

Dans l’état actuel les sociétés anonymes, tout en donnant un grand essor à l’esprit d’entreprise et en développant la production, ont certainement servi à créer une grande inégalité de richesse. Elles ont permis aux financiers de la capitale de s’approprier une très-forte partie de l’épargne du public ; elles ont été beaucoup plus que l’industrie ou le commerce l’origine de fortunes colossales. Ce n’est là, toutefois, selon nous, qu’une