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ne reçoit des prospectus ou des échantillons de ces vastes établissements ? Qui ne préfère s’adresser eux qu’au marchand de la grande rue de là petite ville. Un procédé administratif ingénieux, renvoi contre remboursement, a porté un énorme préjudice à tous les marchands provinciaux. Si ceux-ci se soutiennent encore, c’est par le développement de la prospérité des campagnes ; ils ont trouvé dans la clientèle enrichie des paysans une compensation à la perte de leur ancienne clientèle de la haute bourgeoisie ; mais qui peut prétendre que, avec le temps, les grands magasins parisiens n’auront pas des succursales où des comptoirs en province, ou que leurs prospectus et leurs échantillons ne suffiront pas par affluer dans les maisons de la petite bourgeoisie et des riches paysans ?

C’est une singulière erreur de croire qu’on puisse arrêter ce mouvement de concentration. Tout conspire à le développer. Il n’est même encore qu’au début, l’on peut affirmer qu’il ira beaucoup plus loin. En France il n’y a guère que le commerce du vêtement et de l’ameublement qui soit entré dans cette voie. En Angleterre depuis une vingtaine d’années, le commerce d’alimentation a subi là même transformation. De grandes associations coopératives se sont constituées, celle par exemple dés fonctionnaires et employés de l’armée et de la marine, army and navy ; Mais elles débitent à leurs membres, et même au public, des comestibles presque au prix de revient. L’une d’elles fait jusqu’à 28 millions de francs d’affaires. On connaît le mot célèbre « Quand je vois construire un palais, je crois voir mettre en chaumières tout un pays ». De même quand on voit s’élever un vaste magasin coopératif, cooperative store, on croit voir se fermer une inimité de boutiques de vente au détail. Les petits marchands de Londres envoient au Parlement pétition sur pétition ; ils ont à leur service des arguments spécieux. Les employés du gouvernement, disent-ils, ne sauraient prendre part la direction et à l’administration d’établissements commerciaux, parce qu’ils doivent au gouvernement tout leur temps, toutes leurs forces ; en dehors de leurs heures de travail ils n’ont droit qu’au repos et aux distractions ;