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ravalerait pas une industrie qui est légitime, utile, et que l’on fait tomber aux seules mains d’hommes avides et sans conscience. Les petits prêts aux gens qui méritent quelque confiance deviendraient plus nombreux et moins coûteux.

La plupart des pays, la Suisse, la Hollande, les États-Unis d’Amérique, l’Espagne, le Wurtemberg, l’Angleterre ont renoncé au maximum du taux de l’intérêt[1]. Toute réglementation en ces matières est une cause d’infériorité pour une nation. Voici deux négociants, deux correspondants, l’un français, l’autre brésilien ils ont entre eux un compte courant le premier supporte un intérêt de 8 p. 100 sur ce qu’il doit et ne bénéficie que de 6 p. 100 sur ce qui lui est dû. La raison en est qu’au Brésil il n’y a pas de maximum et qu’en France il s’en trouve un. La loi française, en admettant toutefois qu’on la respecte, inflige donc une perte à nos nationaux dans leurs relations avec certaines contrées étrangères. Cet inconvénient a été signalé par la Chambre syndicale du commerce d’exportation. On a proposé d’y porter remède en supprimant le maximum pour les prêts commerciaux faits à des étrangers. À quoi bon ces demi-mesures, et pourquoi ne pas supprimer la loi tout entière dans toutes ses applications ?

On craint que dans les campagnes l’abolition du maximum soit impopulaire. Nos débiles et timides hommes d’État sont arrêtés pour toutes les réformes utiles par la crainte de l’impopularité. Ce n’est pas le maximum de l’intérêt qui profite aux campagnards. Ceux qui peuvent aujourd’hui emprunter à ce taux ne seraient pas obligés de payer plus cher mais ceux qui aujourd’hui sont dans la gêne, souvent forcés de laisser vendre leur champ et leur chaumière, parce qu’ils n’inspirent pas assez de confiance pour qu’on leur fasse des avances à 5 p. 100, trouveraient peut-être prêteur à 6, 7 ou 8 p. 100 et se tireraient d’affaire. Pour les petites sommes l’élévation du taux de l’intérêt n’a pas la même importance que pour les

  1. Il est vrai qu’en Prusse, dans ces derniers temps, le parti des grands propriétaires qui a recouvré beaucoup d’ascendant a proposé de rétablir la réglementation de l’intérêt.