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Dans ces énormes rémunérations la prime d’assurance tient la plus forte partie : on prête à la grosse aventure ; le prêt est alors presque une loterie, les conditions générales de sécurité offertes parle pays étant faibles, et celles qui tiennent à la personne de l’emprunteur ne l’étant guère moins.

Dans les colonies civilisées, dans la plupart des pays neufs, le taux de l’intérêt est aussi très élevé, souvent aussi haut que dans les contrées primitives, mais pour des raisons très différentes. Ce n’est pas que l’insécurité des transactions soit particulièrement grande dans ces contrées elle l’est sans doute un peu plus que dans les pays du vieux monde, mais elle l’est beaucoup moins que dans les sociétés primitives la qualité des emprunteurs, pour employer une expression qui donne une idée juste, est aussi un peu plus faible dans ces pays neufs que dans les pays plus anciennement cultivés, parce qu’il y a dans les premiers plus de commerçants, d’industriels, d’entrepreneurs téméraires. Ce ne sont là, toutefois, que des circonstances secondaires. Quelles sont donc les raisons particulières de ce taux élevé de l’intérêt dans les jeunes contrées ? C’est, dira-t-on, la rareté des capitaux et l’on reviendra ainsi à la célèbre loi de l’offre et de la demande. Sans doute, cette rareté explique bien quelque chose, mais non pas tout. La vraie cause, la principale, du taux élevé de l’intérêt dans les pays neufs, c’est l’énorme productivité des capitaux qui y dépasse de beaucoup la productivité des capitaux dans les vieilles sociétés. En 1830, dans l’Australie du Sud, on trouvait à faire des prêts en pleine sécurité à un taux d’intérêt de 15 ou 20 p. 100. Vers 1840 aux États-Unis l’intérêt était de 6 p. 100 en Pensylvanie, de 7 p. 100 à New-York, de 8 à 10 p. 100 dans les États du Sud.

Pourquoi les capitaux sont-ils si productifs dans les contrées neuves ? Parce que les premières œuvres de la civilisation, celles qui de beaucoup rapportent le plus relativement à la dépense, ne sont pas achevées parce qu’il reste d’excellentes terres vacantes qui produisent beaucoup à peu de frais ; parce qu’il y a des mines qui fournissent une ample rémunération aux premiers travaux ; parce que le commerce est plus actif et la population plus rapi-