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pendant huit ou dix ans, mais pendant vingt ou trente. Rien n’est plus aisé, à coup sûr, pour un État ou pour une ville que d’emprunter 2 ou 300 millions, 5 à 600 millions, 1 milliard ou 2, et de s’en servir pour faire de la ville ou même du pays tout entier un vaste chantier. Mais ces travaux énormes exécutés en peu de temps ont autant d’inconvénients pour la répartition des richesses que pour la stabilité industrielle. L’État et les grandes villes sont de trop gros clients pour qu’ils puissent se jeter à corps perdu dans de vastes entreprises, sans que toute l’économie sociale s’en ressente.

À Paris, on s’est départi, de 1860 à 1870 et même quelquefois depuis lors, de cette sage prudence. Des travaux trop soudains ont amené tout à coup une beaucoup trop nombreuse population flottante, se composant non seulement des ouvriers, mais des parasites des ouvriers, c’est-à-dire des débitants et petits commerçants. Des emprunts trop répétés par le procédé des souscriptions publiques ont multiplié les bénéfices des banquiers, des coulissiers, etc., tandis que le lent écoulement à la Bourse de titres d’obligations, suivant le procédé adopté par les grandes compagnies de chemins de fer, n’aurait pas eu ces mauvais effets. Les profits des entrepreneurs aussi ont été démesurément grossis par cette hâte à détruire et à reconstruire. Les ouvriers que l’on convoquait enfin en grandes masses et qui trouvaient plus de maisons rasées que de nouvelles maisons construites ont formé cette clientèle des garnis dont nous décrivions, il y a un instant, la pénible situation.

Voilà le premier mode par lequel l’État et les villes ont contribué à l’inégalité des richesses et à l’instabilité du travail. L’énormité des impôts et l’assiette défectueuse de plusieurs taxes ont eu des effets du même genre.

La dette de la ville de Paris atteint aujourd’hui 2 milliards de francs, et le budget municipal oscille entre 220 et 230 millions. Chaque année produit des excédents qui sont même assez considérables, car ils montent à 12 ou 15 millions de francs mais on n’en fait pas remise aux contribuables, on s’en sert pour augmenter les dépenses. Qu’en résulte-t-il ? c’est