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même où cette valeur aurait une tendance à devenir stationnaire, au moment, du moins, où le revenu de cette valeur ne s’accroîtrait plus.

Quant aux mesures impératives pour empêcher les loyers de croître, il est à peine besoin d’en parler. Plusieurs fois on y a recouru dans l’histoire, toujours avec le même insuccès. On a vu plus haut l’énorme accroissement de la ville de Paris dans la période de 1605 à 1705 ; la population y passa de 200,000 âmes à 500,000 pour rester depuis lors presque stationnaire jusqu’à la Révolution. Cet afflux d’habitants devait faire hausser les loyers ; le pouvoir se crut le droit et le devoir d’intervenir. En 1622, une ordonnance avait la prétention de réduire les loyers d’un quart en 1633, on rendit une autre ordonnance pour le même objet, puis cinq autres en 1649 : cette répétition même est la preuve que ces actes d’intervention administrative eurent le succès qu’ils ont toujours.

Ce que l’on peut recommander à l’État et aux municipalités, ce que les électeurs devraient exiger de l’un et des autres, c’est simplement qu’ils s’abstinssent par leurs agissements irréfléchis de contribuer à la croissance anormale et subite des grandes villes et à la hausse des loyers. Or, depuis trente ans, toute la politique municipale, en France du moins, semble s’être proposé ce but et, en tout cas, l’a atteint.

La municipalité parisienne est arrivée de deux façons, à ce résultat regrettable par des travaux publics soit exagérés, soit entrepris avec trop de hâte, par des impôts excessifs ou mal assis. On se fait en général une très fausse idée du rôle de l’État et des villes en matière de travaux publics aussi l’action de ces grands corps est-elle devenue un des éléments perturbateurs de l’industrie moderne. L’État et les villes ont singulièrement contribué à accroître l’inégalité des richesses, de même qu’à augmenter l’instabilité de l’industrie. Les travaux publics doivent être exécutés sans hâte, avec régularité et continuité, de façon que l’État ou les villes ne jettent aucun trouble dans le marché du travail ; on ne doit entreprendre que ce que l’on peut continuer, non seulement pendant deux ou trois ans, ni même