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le jour, dans sa métairie, consommant en nature la totalité ou à peu près de la part qui lui revient, du seigle, des châtaignes, du cidre, un peu de lard, quelques légumes. Dans cette vie végétative où le souci du lendemain est à peine éveillé, le métayer élève de nombreuses familles ; c’est là le principal mérite qu’on doit lui reconnaître. Il souffre moins que le fermier de la concurrence étrangère parce que, consommant en nature la presque totalité de ce qui lui revient, les vicissitudes des prix ont pour lui moins d importance il ne porte pas au marché ses récoltes, ou il n’en porte qu’une faible fraction.

Dès que la culture cesse d’être rudimentaire, dès qu’elle veut améliorer, innover, imposer au présent des sacrifices en vue de l’avenir, le métayage est un embarras c’est un contrat qui alors manque de netteté. La disparition du métayage, du colonat partiaire, a été une nécessité pour l’introduction de la culture intensive. Et cependant, il est peut-être téméraire de dire que le métayage va complètement expirer son adversaire principal, le fermage, se trouve en effet attaqué lui aussi par des vers qui le rongent. Qui sait si, dans bien des lieux, le colonat partiaire ne renaîtra pas de ses cendres, à la seule condition de se transformer, de faire d’une manière plus équitable le partage entre l’exploitant et le propriétaire pour les différentes récoltes, de prévoir tout ce que comporte la culture intensive, les engrais, les avances au sol, etc. ? L’association du paysan et du propriétaire n’a peut-être pas épuisé toutes ses formes, tous les modes possibles. Celle que l’on connaît, le rigide et uniforme partage par moitié peut avoir perdu de son efficacité et de sa justice, sans qu’il soit raisonnable de prétendre qu’on ne peut et qu’on ne doit lui en substituer aucune autre[1].

Les fermiers, en effet, s’en vont. Est-ce une crise temporaire ou définitive ? Dans ce dernier cas, le faire-valoir direct pourra--

  1. Les conditions du métayage sont encore aggravées en beaucoup de lieux par l’usage de prélever les impôts, parfois les charges d’entretien des bâtiments avant le partage des produits. Voir la note intitulée : Sur quelques unes des conditions imposées par les propriétaires aux métayers, dans l’Enquête sur la situation de l’agriculture en 1879 par la Société Nationale d’Agriculture.