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d’hommes, mais qui fournit, comme pâturage presque à l’état de nature, un plus fort revenu net aux propriétaires. C’est le cas presque général pour les prés qu’ils donnent plus de revenu net et moins de revenu brut que les terres en culture. Un hectare de prairie produira seulement 400 ou 430 francs de revenu brut, sur lesquels les trois cinquièmes ou les deux tiers soit 270 à 350 francs reviendront au propriétaire ; le même hectare, mis en blé, produirait peut-être 6 à 700 francs de revenu brut, à coup sûr occuperait beaucoup plus de travailleurs, mais ne rapporterait au propriétaire que 120 ou 150 francs.

Par la préférence qu’elle accorde au revenu net sur le revenu brut la propriété dépeuple, dit-on, les campagnes. Que parfois cette objection ait quelque vérité, on ne peut le nier ; c’est le cas de la campagne romaine, de la conversion des terres labourables en prairies sur une grande surface de l’Écosse, de l’Angleterre et de la Normandie. Cet argument toutefois est surtout spécieux et perd singulièrement de sa valeur quand on le presse de près. En général, l’intérêt du propriétaire est de produire le plus grand revenu brut possible quoique le revenu net ne croisse pas proportionnellement au revenu brut, il ne laisse pas, d’ordinaire, que d’augmenter d’une manière absolue, si ce n’est relative, avec ce dernier. C’est ce qui rend dans les contrées civilisées la culture de plus en plus intensive. Cette substitution de la culture intensive à la culture extensive est le trait caractéristique de l’agriculture des peuples avancés or, elle s’accomplit spontanément, sans aucune injonction gouvernementale, sans intervention de l’État ou d’une autorité quelconque ; il faut donc bien qu’en général il n’y ait aucun antagonisme entre le revenu net et le revenu brut. De même que l’industriel ou le commerçant, le cultivateur, ayant les idées de notre temps, aime mieux gagner peu sur chaque unité d’une grande quantité de produits que de gagner beaucoup sur chaque unité d’une quantité moindre.

Dans quelques cas, néanmoins, pour les terres susceptibles d’être mises en prairies, il y a un antagonisme entre le revenu net et le revenu brut. On peut soutenir que les animaux,