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francs ou 10 francs. Comme l’ensemble des fermages en France monte à 2 milliards 700 millions de francs, soit 23 ou 30 pour 100 environ du montant de la production agricole, comme d’ailleurs il peut s’accomplir bien des améliorations qui permettraient de recueillir le même bénéfice net avec une production accrue et malgré des prix moindres, on peut affirmer que la concurrence des sols nouveaux les plus riches ne fera pas mettre en friche une proportion sensible des sols des vieilles sociétés. Elle y provoquera sans doute des changements de culture et surtout de procédés ; mais le fermage ne disparaîtra pas complètement, et c’est aller bien loin de supposer qu’il pourrait à la longue être réduit de moitié.

La facilité des voies de communication et le peuplement des contrées neuves sont les deux principaux facteurs du nivellement des fortunes dans le vieux monde. Ce sont les grands propriétaires surtout qui pourront éprouver une dépréciation de leurs revenus par la mise en culture régulière de l’ouest des États-Unis ou du Canada, de l’Amérique du Sud, des vastes réserves du territoire australien, du Soudan, de la région des grands lacs africains et de l’Asie septentrionale et centrale. Les moyens propriétaires s’en aperçoivent moins parce que, vivant eux-mêmes de la vie du paysan, exploitant comme lui leurs domaines, consommant en grande partie leurs produits, ils retrouveront à peu près par le bon marché de leurs achats la compensation de la moins-value de leurs ventes. Quant au petit propriétaire qui consomme à peu près ce qu’il a produit, peu lui importent les prix auxquels il pourrait vendre des denrées qui servent à sustenter sa famille. L’ouvrier marié, père de deux ou trois enfants, qui sur un hectare de terrain qu’il possède récolte quinze ou vingt hectolitres de blé, dont il a besoin pour ses semences et pour sa provision, n’a pas beaucoup à s’inquiéter de savoir si cette récolte vaut 12 francs ou 25 francs l’hectolitre. Il en est de même pour les deux ou trois moutons qu’il peut entretenir et les quelques volailles qu’il élève. Les journées que le petit propriétaire fait au