Page:Leroux - Le mystère de la chambre jaune, 1932, Partie 1.djvu/209

Cette page a été validée par deux contributeurs.
207
TRAQUENARD

elle encore ce soir ? Mais qui donc a tourné cette clef pour ouvrir « à l’assassin qui est là » ? Si c’était Mlle Stangerson « elle-même » ? Car enfin elle peut redouter, elle doit redouter la venue de l’assassin et avoir des raisons pour lui ouvrir la porte, « pour être forcée de lui ouvrir la porte ! » Quel terrible rendez-vous est donc celui-ci ? Rendez-vous de crime ? À coup sûr, pas rendez-vous d’amour, car Mlle Stangerson adore M. Darzac, je le sais. Toutes ces réflexions traversent mon cerveau comme un éclair qui n’illuminerait que des ténèbres. Ah ! savoir…

S’il y a tant de silence, derrière cette porte, c’est sans doute qu’on y a besoin de silence ! Mon intervention peut être la cause de plus de mal que de bien ? Est-ce que je sais ? Qui me dit que mon intervention ne déterminerait pas, dans la minute, un crime ? Ah ! voir et savoir, sans troubler le silence !

Je sors de l’antichambre. Je vais à l’escalier central, je le descends ; me voici dans le vestibule ; je cours le plus silencieusement possible vers la petite chambre au rez-de-chaussée, où couche, depuis l’attentat du pavillon, le père Jacques.

« Je le trouve habillé », les yeux grands ouverts, presque hagards. Il ne semble point étonné de me voir ; il me dit qu’il s’est levé parce qu’il a entendu le cri de « la Bête du bon Dieu », et qu’il a entendu des pas, dans le parc, des pas qui glissaient devant sa fenêtre. Alors, il a regardé à la fenêtre « et il a vu passer, tout à l’heure, un fantôme noir ». Je lui demande s’il a une arme. Non, il