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trappe : les gémissements à nouveau s’étaient tus.

— C’est incroyable ! dit M. le secrétaire perpétuel… Il y a là une pièce que je ne connaissais pas… comme un second laboratoire sous le premier…

Et il descendit encore des marches, en examinant toutes choses prudemment, autour de lui.

Le laboratoire du dessous, comme celui du dessus, était éclairé par des papillons de gaz. M. Patard descendait avec précaution. M. Lalouette, qui regrettait décidément sa visite au grand Loustalot, arrivait.

Dans ce laboratoire souterrain, il y avait la même disposition que dans la pièce de dessus, pour toutes choses. Seulement toutes ces choses étaient dans un grand désordre, et en plein service, en cours d’expérience…

M. Patard cherchait. M. Lalouette ouvrait de grands yeux…

Ils n’apercevaient toujours personne…

Soudain, comme ils s’étaient retournés vers un coin de muraille, ils reculèrent en poussant un cri d’horreur.

Ce coin de muraille était ouvert et garni de barreaux. Et derrière ces barreaux, comme une bête fauve enfermée dans sa cage, un homme… oui, un homme aux grands yeux ardents les fixait en silence…

Comme ils ne disaient rien et qu’ils restaient là comme des statues, l’homme, derrière ses barreaux, dit :

Êtes-vous venus pour me délivrer ?… En ce cas dépêchez-vous… car je les entends qui reviennent… et ils vous tueraient comme des mouches…

Ni Patard ni Lalouette ne remuaient encore. Comprenaient-ils ?

L’homme encore hurla :

— Êtes-vous sourds ?… Je vous dis qu’ils vous tueraient comme des mouches !… s’ils savent jamais que vous m’avez vu !… comme des mouches !… sauvez-vous !… sauvez-vous !… Les voilà !… je les entends !… Le géant fait craquer la terre !… Ah ! malheur !… ils vont vous faire manger par les chiens !…

Et on entendit en effet des aboiements furieux, tout là-haut, sur la terre. Les deux visiteurs avaient compris cette fois !…

Ils tournèrent autour d’eux-mêmes comme s’ils étaient ivres… cherchant une issue. Et l’autre dans sa cage répétait en secouant les barreaux comme s’il voulait les arracher…

— Par les chiens !… S’ils savent que vous avez surpris le secret !… le secret du grand Loustalot… Ah ! Ah ! Ah !… comme des mouches… par les chiens !…

Patard et Lalouette, incapables d’en entendre davantage, affolés d’épouvante, s’étaient rués sur l’escalier qui conduisait à la trappe…

— Pas par là !… hurla l’homme, derrière les barreaux… vous ne les entendez donc pas qui descendent !… Ah ! les voilà !… les voilà !… avec les chiens !…

Ajax et Achille avaient dû maintenant pénétrer dans la maison… car celle-ci retentissait de leurs coups de gueule formidables comme un enfer plein de l’aboiement des démons…

Patard et Lalouette étaient retombés au bas de l’escalier, hurlant leur effroi, comme des insensés et criant : « Par où ?… par où ?… par où ?… » tandis que l’autre les couvrait d’injures, en leur ordonnant de se taire…

— Vous allez encore vous faire pincer comme les autres !… Et il vous tuera comme des mouches !… Taisez-vous donc… écoutez !… Ah ! si les chiens s’en mêlent, le compte est bon !… Voulez-vous vous taire !…

Patard et Lalouette, croyant déjà voir apparaître les crocs terribles d’Ajax et d’Achille en haut de l’escalier de la trappe, s’étaient rués à l’autre extrémité de cette cave, contre les barreaux mêmes de la cage où l’homme était enfermé ; et c’étaient eux maintenant qui suppliaient le malheureux de les sauver. Ils l’imploraient avec des mots sans suite, avec des râles… Ah ! ils enviaient l’homme dans sa cage…

Mais celui-ci leur avait pris à tous deux ce qui leur restait de cheveux, à travers les barreaux, et leur secouait la tête affreusement pour les faire taire :

— Taisez-vous !… Nous nous sauverons tous les trois !… Écoutez donc !… Les chiens ! La brute les emporte !… Ils les font taire !… Le géant fait craquer la terre, mais il ne se doute de rien ! la brute !… Ah ! quel idiot !… Vous avez de la chance…