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— Où sont donc Ajax et Achille ? dit-il… Et Tobie ?… Il ne vient pas.

De fait, personne ne se dérangeait.

— Entrons ! fit M. le secrétaire perpétuel.

— J’ai peur des chiens ! recommença M. Lalouette.

— Eh ! je vous dis que je les connais depuis longtemps ! répéta M. Patard. Ils ne nous feront aucun mal.

— Alors, marchez devant, commanda bravement M. Lalouette.

Ainsi ils parvinrent jusqu’au perron. Le plus profond silence régnait dans le jardin, dans la cour et dans la maison.

La porte de la maison était également entrouverte. Ils la poussèrent. Un bec de gaz à demi-ouvert éclairait le vestibule.

— Il y a quelqu’un ? s’écria M. Patard, de sa voix de tête.

Mais aucune voix ne lui répondit.

Ils attendirent encore dans un extraordinaire silence. Toutes les portes qui donnaient sur le vestibule étaient fermées.

Et, tout à coup, comme M. Patard et M. Lalouette restaient là, fort embarrassés, le chapeau à la main, les murs de la maison résonnèrent d’une clameur affreuse. La nuit retentit désespérément d’un grand cri déchirant, humain…

CHAPITRE XV

La cage


La mèche de M. le secrétaire perpétuel s’était dressée toute droite sur son crâne. M. Lalouette s’appuyait au mur, dans un grand état de faiblesse.

— Voilà le cri ! gémit-il… le grand cri déchirant, humain…

M. Patard eut encore la force d’émettre une opinion :

— C’est le cri de quelqu’un à qui il est arrivé un accident… Il faudrait voir…

Mais il ne bougeait pas.

— Non ! Non ! C’est le même cri… je le connais… c’est un cri, fit à voix basse M. Lalouette, un cri qu’il y a comme ça… tout le temps… dans la maison…

M. Hippolyte Patard haussa les épaules.

— Écoutez, dit-il.

— Ça recommence… grelotta M. Lalouette.

On entendait maintenant comme une sorte de grondement douloureux, de gémissement lointain et ininterrompu.

— Je vous dis qu’il est arrivé un accident… cela vient d’en bas… du laboratoire… C’est peut-être Loustalot qui se trouve mal…

Et M. Patard fit quelques pas dans le vestibule. Nous avons dit que dans ce vestibule se trouvait l’escalier conduisant aux étages supérieurs ; mais, sous cet escalier-là, il y en avait un autre qui descendait au laboratoire.

M. Patard se pencha au-dessus des degrés. Le gémissement arrivait là presque distinctement, mêlé de paroles incompréhensibles mais qui semblaient devoir exprimer une grande douleur.

— Je vous dis qu’il est arrivé un accident à Loustalot.

Et bravement M. Hippolyte Patard descendit l’escalier.

M. Lalouette, qui se fit honte de son instant de faiblesse, suivit. Il dit tout haut :

— Après tout, nous sommes deux !

Plus ils descendaient, plus ils entendaient gémir et pleurer. Enfin, comme ils arrivaient dans le laboratoire, ils n’entendirent plus rien.

Le laboratoire était vide.

Ils regardèrent partout autour d’eux.

Un ordre parfait régnait dans cette pièce. Tout était à sa place. Les cornues, les alambics, les fourneaux de terre dans la grande cheminée qui servait aux expériences, les instruments de physique sur les tables, tout cela était propre et net et méthodiquement rangé. Ce n’était point là, de toute évidence, le laboratoire d’un homme qui est en plein travail. M. Patard en fut étonné.

Mais ce qui l’étonnait le plus était, comme je l’ai dit, de ne plus rien entendre… et de ne rien voir qui l’eût mis sur la trace de cette grande douleur qui leur avait «  retourné les sangs » à tous les deux, M. Lalouette et lui.

— C’est bizarre ! fit M. Lalouette, il n’y a personne.

— Non, personne !…

Et tout à coup, le grand cri les secoua à nouveau, leur déchirant le cœur et les entrailles.

Cela les avait comme soulevés de terre : cela venait même de sous la terre.

— On crie dans la terre ! murmura M. Lalouette.

Mais M. Patard lui montrait déjà du doigt une trappe ouverte dans le plancher.

— Ça vient d’ici… fit-il.

Il y courut…

— C’est quelqu’un qui sera tombé par cette trappe et qui se sera brisé les jambes…

M. Patard se pencha au-dessus de la