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ne voulez pas perdre. Est-ce bien réellement votre vie, est-ce la vie dans sa virtualité, est-ce le moi éternel qui vous constitue, que vous réclamez, en réclamant si énergiquement la mémoire formelle de votre existence présente ? Je croirais bien plutôt, moi, que c’est, de cette vie, son obscurité et son ignorance actuelle que vous aimez. Non, non ; cela n’a pas le droit d’être, le droit de persister pour nous. Une telle persistance de nos manifestations antérieures n’augmenterait pas notre être, mais l’écraserait et l’atrophierait. Ce serait le radotage du vieillard qui nous suivrait, pour nous empêcher d’être, et pour détruire notre éternelle jeunesse. Que cette vie antérieure se retrouve pour nous objectivement au sein du monde et de l’humanité, à la bonne heure ; mais que nous la portions avec nous comme un attirail et un poids, voilà qui n’est pas raisonnable. Voulez-vous vivre, oubliez : n’est-ce pas ce que nous nous disons souvent nous-mêmes les uns aux autres, dans les crises de notre vie ? Et nous voudrions continuer à être obsédés, de vie en vie, par tous les détails de notre existence ! Un enfant parvenu à l’âge de marcher a-t-il besoin de se rappeler tous les faux pas qu’il a faits au début ? Quand nous parlons, est-il nécessaire que nous nous souvenions de notre premier bégaiement et de toutes les fautes de langage que nous avons commencé par faire !